Écriture
Marguerite Yourcenar
« Zénon, sombre Zénon »
CORRESPONDANCE 1968-1970
(D’Hadrien à Zénon, V)
Texte établi et annoté par Joseph Brami, avec Rémy Poignault et la collaboration de Bruno Blanckeman et Colette Gaudin Édition préfacée et coordonnée par Joseph Brami et Michèle Sarde
Au coeur des événements de mai 1968 paraît L’Œuvre au Noir. À
l’automne, c’est la consécration critique et publique avec l’obtention du
prix Femina. Tant l’oeuvre que la renommée de la romancière changent de
stature. Au cours de l’année qui suit, Yourcenar est sollicitée par des
journalistes, des amis, des écrivains et philosophes, des éditeurs, des
lecteurs inconnus. La correspondance qui en résulte est une leçon de grand
style épistolaire. En 1970, Yourcenar est élue à l’Académie royale de
Belgique — une décennie avant son élection à l’Académie française.
Avec l’ébauche de La Couronne et la Lyre et du grand projet
autobiographique du Labyrinthe du monde, on voit apparaître le
tableau achevé de l’oeuvre, tel que le dispose pour la postérité l’écrivaine, et les lettres de cette correspondance générale sont l’occasion pour le lecteur « de suivre, à travers le brouhaha des faits extérieurs, l’aventure secrète d’un esprit ».
Quatrième de couverture
« Zénon ! Sombre Zénon ! Zénon de Bruges... ! » Tel est le
rappel d’un vers du Cimetière marin – « Zénon ! cruel
Zénon ! Zénon d’Élée 1 ! » auquel Yourcenar dit avoir pensé pour
le bandeau de L’oeuvre au Noir. Placer sous ce signe le
dernier volume de la série de correspondances D’Hadrien à Zénon
nous a paru souligner l’éclair qui a pu traverser l’esprit de Yourcenar.
Au bout de tant d’années de présence en elle de ce personnage, il
révèle la perception spontanée qu’elle a pu avoir de lui, entre la fin
de l’écriture du roman et son envoi au lecteur. Regard rétrospectif,
le titre L’OEuvre au Noir nomme la phase alchimique de la dissolution et de la destruction. Et l’apostrophe « Zénon !
Sombre Zénon ! » nomme le compagnon de l’esprit, et, telle la
flèche de Zénon d’Élée qui vole et ne vole pas, le
lieu – « Bruges ! » – d’où Zénon partit, où il retourna,
celui de son expérience de vie autour du noyau immobile de son errance.
Préface (Pour lire le texte intégral de la préface
feuilleter le livre)
« Si l’on imagine souvent Yourcenar en louve solitaire, exilée loin de la France et recluse dans la tour d’ivoire de sa culture classique, Zénon, sombre Zénon la montre les deux pieds ancrés dans sa prairie états-unienne, “en pantalon de laine et jaquette de fermier”, extrêmement attentive à tout ce qui touche, de près ou de loin, l’agencement, la diffusion et la réception de ses ouvrages. Elle est “elle-même sa propre agente”, selon l’expression de Joseph Brami et Michèle Sarde en préface. [...] L’un des plaisirs de Zénon, sombre Zénon – et cela n’étonnera pas celles et ceux qui la connaissent – c’est que Marguerite Yourcenar apparaît mordante dans sa condescendance, savoureuse dans sa morgue. »« L’ouvrage recense trente-six mois de la correspondance de Marguerite Yourcenar, dès 1968, mettant en lumière son appareil critique remarquable. [...] Les critiques qui auront failli à leur tâche, aux yeux vétilleux de la romancière, seront ensuite fustigés dans des missives suavement cinglantes [...] Cette roideur cède le pas à une compréhension fine des événements de Mai 68, qui vinrent pourtant ternir la sortie de son livre. »